
Morgane Rospars, tatoueuse de livre
Entre Le Havre et Concarneau, Morgane Rospars dessine des ex-libris pour les amoureux des livres ou de bel art. Depuis 2014, les croquis délicats de l’illustratrice, gravés sur tampons numérotés, trouvent des aficionados dans tout l’Hexagone et même au-delà…
Un tampon apposé sur une page et voilà qu’apparaît une jeune femme brune, accroupie contre une baignoire, une serviette de bain sur les cuisses, le regard porté sur un livre ouvert qu’elle tient de ses deux mains… Comme le tatouage, l’ex-libris est unique par son dessin et le support qui le révèle. Cette vignette gravée sur la page de garde (ou la dernière) d’un ouvrage, le personnalise. La pratique du « livre de » a traversé les âges depuis le XVe siècle. En 2025, l’ex-libris est le nec plus ultra du bibliophile. Le créer relève d’un savoir-faire artistique dans lequel la plasticienne Morgane Rospars excelle depuis plus de 10 ans.
REDONNER SES LETTRES DE NOBLESSE À L’EX-LIBRIS
Native du Finistère, formée au graphisme et à l’édition, la quadragénaire a lancé son activité artisanale en 2014 après avoir conçu un prototype pour l’anniversaire de son mari féru de littérature. « J’ai cherché des artistes pouvant réaliser ce travail mais je ne trouvais que des héraldistes. Alors je l’ai fait. » Un cadeau qui fera boule de neige. « Nos amis, grands lecteurs aussi, ont trouvé ça super car ils ne connaissaient pas l’objet. » Le bouche-à-oreille fonctionne tant et si bien qu’aujourd’hui il faut un an d’attente pour une commande d’ex-libris personnalisé.
Chaque année, Morgane Rospars conçoit près de 300 modèles en série limitée dont un tiers entièrement personnalisés, vendus en ligne. Comme dans la mode où elle a effectué ses premiers graphismes, elle sort de nouveaux modèles au changement de saison : au printemps et à l’automne.
UN DESSIN VIBRANT
Le kit de l’ex-libris Morgane Rospars est constitué d’une gravure imprimée, d’un (ou deux pour des dessins en bichromie) encreur monochrome, d’un tampon gravé, numéroté et étiqueté du nom du modèle, d’un certificat d’authenticité ainsi que de conseils d’utilisation. « Historiquement, l’ex-libris était une gravure tirée à part représentant les armoiries de grandes familles qu’on intercalait dans les livres. » L’illustratrice propose une version contemporaine de l’objet en le créant sur tablette graphique afin qu’il soit gravé sur un tampon fabriqué en Loire-Atlantique dans un atelier spécialisé. L’expérience utilisateur s’en trouve ainsi revisitée. « Le grain du tampon, son aspérité, donne un dessin vibrant, non lisse, qui peut être reproduit à l’infini sur différents supports sans jamais être identique. »
Telle une plasticienne, Morgane Rospars insuffle à ses dessins une énergie, un mouvement qui suscitent l’émotion de l’observateur. « L’ex-libris est, selon moi, une marque, un passage. Il y a vraiment une notion de temporalité là-dedans. Certains amateurs vont marquer tous leurs livres, d’autres seulement ceux qu’ils ont aimé, d’autres encore tamponneront les premières pages de leur lecture ou plutôt celles de la fin… C’est la définition même de l’ex-libris, marquer son appartenance, et ça permet de garder une trace de génération en génération. »
VERS LE DESIGN D’OBJET
Ses créations ont également séduit le secteur du luxe comme des hôtels étoilés en quête de cadeaux originaux pour leur clientèle, mais aussi le milieu viticole qui lui commande des étiquettes, ou encore des entreprises qui souhaitent un logo différenciant et élégant. « Les clients veulent quelque chose de vivant, sensible, d’artisanal. Cela correspond notamment très bien au secteur du vin. L’ex-libris peut aussi être décliné en logo valorisant l’image de marque d’une entreprise. »
Autre axe de travail pour Morgane, l’objet qui révèle le croquis. Pour l’heure, elle collabore avec Maison Avril, atelier d’ébénisterie du Havre qui conçoit et fabrique du mobilier et des objets d’exception sur-mesure. Deux collections haut de gamme de manches de tampon en bois de noyer avec leurs socles assortis sont déjà nées de cette collaboration : la première est éditée à 32 tampons et 16 coffrets dédiés, la seconde nommée Hathor existe en deux versions de 25 exemplaires chacune. Des premiers modèles qui connaissent un joli succès… À quand la 3e collection ?
