
Avec sa Biennale, Chaumont devient la capitale mondiale du design graphique jusqu’à l’automne
Organisée par Le Signe, centre national du graphisme, la 5e édition de la Biennale internationale de design graphique de Chaumont bat actuellement son plein, et ce jusqu’au 19 octobre. Nous avons assisté au weekend inaugural haut en couleurs de cet évènement célébrant la création sous toutes ses formes, dans l’ouverture et la bonne humeur, via des expositions, des concours, des workshops, des conférences et des concerts, transformant la préfecture de Haute-Marne en un laboratoire visuel géant.
« L’affiche : 600 ans, et toujours bien vivante ». C’était le titre d’une table ronde sur la dernière édition du salon C!Print, en février dernier, consacrée à la pertinence, la vitalité et l’impact de ce format historique de la communication visuelle. L’organisation avait rassemblé autour de la table une illustratrice, un directeur artistique, un imprimeur, ainsi que Susanne Schroeder, chargée de médiation au sein du Signe, le centre national du graphisme basé à Chaumont (Haute-Marne), qui œuvre au soutien et à la diffusion de la création. Mme Schroeder n’était pas là par hasard. Au-delà de son œil avisé et de son expérience, l’année 2025 marquait aussi le retour de la Biennale internationale de design graphique de Chaumont, à partir du 21 mai.
A chaque édition de l’évènement, la préfecture paisible, auto-proclamée « ville du graphisme » dans toutes ses communications, entre littéralement en ébullition. Et ce n’est pas si nouveau. S’inscrivant en droite ligne de l’emblématique Festival de l’affiche de Chaumont créé en 1990, la Biennale organisée par Le Signe célèbre le design graphique pendant cinq mois. Elle permet à tous ses acteurs de se retrouver, d’échanger sur les pratiques et l’actualité, et d’appréhender les enjeux du moment à travers de nombreux événements ouverts à toutes et à tous.
RENCONTRES ET INSPIRATION
Vendredi 23 mai à midi, dans le train menant de la gare de Paris-Gare de l’Est à Chaumont, on côtoie une vingtaine d’étudiants de l’école LISAA (Paris 13e) venus avec deux professeures, qui ne cachent pas leur enthousiasme à l’idée de participer à la Biennale, dont Flavia, étudiante en deuxième année de Bachelor design graphique. « On reste tout le week-end pour profiter de l’ensemble de la programmation. A Paris, il y a beaucoup d’expositions, mais la Biennale, c’est plus que ça. Il y a des concerts, des évènements, des occasions de rencontrer des gens. La dimension internationale me plaît aussi, car je viens de Bologne en Italie et j’espère rencontrer d’autres graphistes de mon pays. Après l’école, j’aimerais travailler dans le print et la publicité. On va voir des choses concrètes ce week-end, des grandes affiches, ça devrait nous donner des idées. »
On échange également avec deux designers graphiques originaires de Marseille. Oriane Schneider, à la tête du studio de branding et d’illustration Modus Operandi, vient pour la première fois à Chaumont. « Je suis très curieuse de découvrir l’évènement, car des amis m’en ont beaucoup parlé. Et cette année, ça tombe particulièrement bien parce qu’il y a une exposition sur les logos des groupes de métal, dont je suis fan. La sélection d’affiches m’intéresse aussi, évidemment. » A ses côtés, Guillaume André, en freelance depuis 10 ans, est un habitué de l’évènement. « Mes affiches ont été sélectionnées dans le cadre du concours étudiant il y a quelques années. Donc j’y suis allé à une période où le festival était peut-être un peu moins institutionnalisé… C’est désormais une grand-messe incontournable, d’autant plus qu’en France, il existe peu d’évènements présentant la création contemporaine. Et ça permet aussi de recroiser des connaissances du milieu graphique. »
« CA DÉMARRE BIEN »
Le weekend inaugural de la 5e édition de la Biennale s’annonçait riche en expositions et évènements en tous genres, mettant en lumière la jeune création comme des artistes majeurs. Et on ne fut pas déçus ! En toute logique, Le Signe s’affirme comme le cœur battant de la Biennale, dont la thématique 2025 s’articule autour du son et de la musique. Au sein d’un bâtiment de 2 900 m² à l’architecture remarquable, le fameux concours international d’affiches, 31e du nom, recense une sélection des meilleures créations graphiques mondiales, rivalisant de virtuosité grand format. On y croise notamment des Allemands qui dissertent en admirant les affiches. Il s’agit d’un groupe de professeurs de l’école Burg Giebichenstein Kunsthochschule, dans la ville de Halle. « Il était important de venir à Chaumont, car le travail d’un étudiant de notre école est exposé ici. C’est la première exposition que nous visitons et nous sommes excités de voir le reste », nous explique l’un d’entre eux.
Un peu plus loin, on découvre Noise, une exposition collective sur l’influence du graphisme dans la musique, qui s’illustre sur des pochettes de disque de rock ou des affiches de concerts electro. A l’étage du Signe, Simenon Simenon explore les couvertures de livres de poche de Georges Simenon, l’écrivain créateur du commissaire Maigret. En redescendant, on fait face à l’espace dédié au « Prix unique du livre », une sélection des 20 plus belles créations éditoriales des trois dernières années.
Les espaces d’exposition et les couloirs sont pleins en ce début d’après-midi. On interpelle Boris Toulayrou, chargé de communication du Signe, qui se montre satisfait du lancement de l’évènement.« En 2023, nous avions comptabilisé plus de 12 000 personnes sur la semaine inaugurale. Et là, ça démarre bien. Nous n’avons pas révolutionné le concept de l’évènement, car la recette fonctionne bien. On touche un public local en animant la ville et on attire également un public de professionnels et d’étudiants, qui viennent tous les deux ans, fidèles et nombreux. »
ANJA KAISER SUPERSTAR
On poursuit notre visite de la Biennale en cheminant du Signe vers le vieux Chaumont, empruntant au passage des rues étroites avec vue sur la basilique gothique Saint-Jean-Baptiste. Tous les panneaux d’affichage public ou presque sont trustés par la campagne de communication de l’évènement. Des petits drapeaux flottant au vent nous indiquent la direction de l’Institut du patrimoine Haut-Marnais, qui héberge plusieurs expositions. On y découvre Metalogo, une étude exploratoire des identités graphiques des scènes musicales métal, ANRT – 10 ans, une rétrospective du très pointu Atelier national de recherche typographique, et Fan Art, une mise en scène de lettres et de sons imaginée par Hélène Marian, dont la pratique allie rigueur et liberté.
Deux autres expositions partenaires sont présentées dans un rayon d’une centaine de mètres, dans le centre-ville de Chaumont : Messages/Images : graphisme d’intérêt général, à l’Espace Bouchardon, et l’impressionnante H5, voir la French Touch, à la Chapelle, ou comment la scène electro des années 1990/2000 investit un lieu de culte avec bonheur. Après une pause café sur l’esplanade du Signe en compagnie de visiteurs locaux, on termine la journée avec la conférence de présentation de la Biennale par Jean-Michel Géridan, directeur général et artistique du Signe, la master class des graphistes Félicité Landrivon et Pierre Vanni, ainsi que les trois concerts du soir sur la Place des Arts.
Samedi matin, place aux résultats des workshops destinés aux étudiants et jeunes professionnels à l’usine Tisza Textil Packaging, puis à la conférence de celle que tout le monde attendait, Anja Kaiser, créatrice allemande de l’identité graphique de la Biennale 2025, de l’affiche au catalogue, en collaboration avec Nelly Nakahara et Gerrit Brocks. Dans une salle comble et attentive, la designer propose une exploration détaillée de sa méthode de travail et de sa boîte à outils visuelle. Une belle découverte pour Rim, étudiante à la HEAR de Strasbourg en communication graphique : « Je ne la connaissais pas avant de venir. Cette année, je construis mes références et la Biennale est l’occasion d’apprendre. C’est un super moment de détente et d’inspiration après nos derniers examens à l’école ! » L’étudiante pourra revenir si besoin : la Biennale de design graphique de Chaumont se tient jusqu’au 19 octobre 2025.
L’affiche de la Biennale 2025

Visuel © Anja Kaiser, Nelly Nakahara et Gerrit Brocks
« Pour le concept visuel et l’exécution du design, j’ai invité deux designers à collaborer avec moi, Nelly Nakahara et Gerrit Brocks. Une création graphique évoquant le bruit et le son ne pouvait pas être conçue par une seule personne. Il fallait lancer un échange pour créer une véritable polyphonie.
Le terme de « bruit » intègre plusieurs significations. En premier lieu, il représente la discontinuité, l’idée que l’Histoire ne peut pas être vue comme un continuum linéaire, mais plutôt comme un réseau de différentes formes d’expression et d’histoires. Deuxièmement, le bruit signifie aussi l’émergence constante de nouveautés et la transformation des choses, dont certaines ne sont jamais entrées dans la narration historique. Troisièmement, le bruit symbolise également une disruption ou une interruption, qui peut servir comme un catalyseur pour de nouveaux mouvements et des modes d’expression alternatifs.
Dans le domaine graphique, le bruit souligne aussi la relation dynamique entre la musique et l’interprétation visuelle, que ce soit par collaboration ou par des rencontres accidentelles entre des musiciens, des artistes et des designers. Enfin, le terme porte par ailleurs la dimension du bruit au sens littéraire, une expression ayant de la signification uniquement par le conflit et la confrontation.
Sur cette base de réflexion, nous avons imaginé trois méthodes de travail pour concevoir l’identité visuelle de la Biennale : « A » pour l’interprétation et la transcription, « B » pour la disruption et la division pour atteindre une sorte de discontinuité ou une friction non-linéaire, et « C » pour la perturbation. »
Anja Kaizer, créatrice de l’identité visuelle de la Biennale en collaboration avec Nelly Nakahara et Gerrit Brocks, lors de sa conférence du samedi 24 mai 2025 au cinéma L’Affiche à Chaumont.
Le 31e concours international d’affiches

Visuels © Marc Domage
Sélection du 31e Concours international d’affiche de Chaumont, du 21 mai au 19 octobre 2025, au Signe, centre national du graphisme. Jury : Agnès Dahan, Super Terrain (Quentin Bodin, Luc de Fouquet et Lucas Meyer), Hammer (Sereina Rothenberger et David Schatz), Thierry Groensteen (Académie des beaux-arts), Isabelle Jégo et Guillaume Lanneau pour la SAIF. Scénographie : Kévin Cadinot.
Exposition Noise

Visuels © Marc Domage
Exposition Noise, du 21 mai au 19 octobre 2025, au Signe, centre national du graphisme. Commissariat : Jean-Michel Géridan. Scénographie : Kévin Cadinot.
Exposition collective avec, notamment : Atelier Tout va Bien, ABM Studio, Brigade cynophile (Félicité Landrivon), Jules Cheret, Julie Doriath, Le Futur, H5, Helmo, Pia-Melissa Laroche, Roxanne Maillet & Auriane Preudhomme, M/M (Paris), Hélène Marian, Studio Dumbar, Rosemarie Tissi, Niklaus Troxler, Sylvia Tournerie, Jean-Michel Basquiat, Karolina Pietrzyk, Tobias Wenig, Jul Quanouai et Simon Saint-Hillier et Pierre Vanni.
Expositions Simenon Simenon, Metalogo, ARNT – 10 ans et Fan Art

Visuels © Marc Domage
Exposition Simenon Simenon, du 21 mai au 19 octobre 2025, au Signe, centre national du graphisme. Commissariat et scénographie : Non standard – Élodie Boyer, Pierre-Yves Cachard et Bernd Hilpert. Mobilier : Mario Pitassi.

Exposition Metalogo, du 21 mai au 13 juillet 2025, à l’Institut du patrimoine haut-marnais. Commissariat : Sébastien Hayez ; Scénographie : Jean-Michel Géridan avec Kilian Connan
Exposition collective avec notamment Mark Riddick, Christophe Szpajdel, Luca Devinu et Élodie Lesourd.

Exposition Atelier national de recherche typographique – 10 ans, du 21 mai au 13 juillet 2025, à l’Institut du patrimoine haut-marnais. Commissariat : Thomas Huot-Marchand, ANRT.

Exposition FanArt, du 21 mai au 13 juillet 2025, à l’Institut du patrimoine haut-marnais. Création : Hélène Marian.
Expositions H5, voir la French Touch et Messages/Images, graphisme d’intérêt général

Visuels © Marc Domage
Exposition H5, voir la French Touch, du 21 mai au 17 août, à La Chapelle, proposée en partenariat avec la Ville de Chaumont. Conception : H5.
Exposition Messages/Images, graphisme d’intérêt général, du 21 mai au 9 juin 2025, dans la cour de l’Espace Bouchardon, proposée en partenariat avec le Cnap (Centre National des Arts Plastiques). Conception – commissariat : Cnap.